Il y a ceux qui partent...Et puis il y a..ceux qui restent...

Ceux qui restent

Marie LABERGE

Editions STOCK (2016)

"Ta mort me renvoie à ma vie. Il le faut.
Pas à mon passé auquel je peux faire dire n'importe quoi, ou presque.
Pas au tien, que je peux interpréter selon mes besoins de rédemption ou de condamnation. 
Je ne te ferai pas subir l'odieux de me servir de toi pour justifier une incompétence à vivre.
Je vais honorer la vie, je vais la choisir en toute conscience chaque jour.
Je vais vivre, quel qu'en soit le prix.
Je vais vivre, quel que soit le poids de mon cœur privé de toi."

A l’aube de ses trente ans, Sylvain décide de s’ôter la vie.

Il ne laisse aucune explication à ce geste si violent.  « Ceux qui restent » doivent alors apprendre à faire avec…ou plutôt sans.

Ce merveilleux roman de Marie Lauberge est construit sur un mode choral. Chaque protagoniste, ceux-là même qui « restent », va poser sa voix et à travers elle, exprimer sa stupeur, sa douleur, son incompréhension, et ce qu’il pense être sa part de responsabilité.

Chapitre après chapitre, le lecteur fait connaissance avec cet homme banal, qui menait une existence somme toute banale, laquelle s’est achevée sur cet acte pas banal du tout.   

Sylvain, cet absent, pourtant si présent au fil des pages, prend corps et paradoxalement, prend vie aussi,  à travers ceux qui l’ont aimé et s’adressent à lui.

Les récits de Charlène (son exubérante blonde, autrement dit sa maîtresse), de Mélanie-Lyne (l’épouse désemparée, démunie face à leur enfant de cinq ans, surprotectrice et occultant le deuil), de Vincent, le père abasourdi , de Muguette, la mère broyée, et de Stéphane, le fils en quête d’identité, s’entrelacent,  chacun ayant sa propre couleur, son propre langage, sa  propre douleur et sa façon personnelle de « rester ».

Marie Laberge, auteure très connue au Québec, nous offre un flot d’émotions à ne surtout pas contenir. Une lecture intense, bouleversante et paradoxalement rayonnante.  Des mots qui portent, s’envolent, des expressions purement québécoises (merci Google pour ton aide précieuse), un langage parfois très cru, une belle leçon de Vie.

Je remercie les Editions Stock pour cette si belle découverte, ce chemin que j’appréhendais pourtant de parcourir, ces 570 pages qui m’ont dans un premier temps, effrayée tout autant que le sujet, et que finalement,  j’ai pris un plaisir infini à parcourir.

« Sous les coups, les gravats, les immondices qui nous recouvrent après l’explosion, il faut tenter de rester en vie, et après, de ramper vers un peu d’air, vers la lumière.

Et quelquefois, devenir une issue, une pause, une soulagement momentané dans la vie de quelqu’un, quelquefois, c’est ça , retrouver le chemin de la vie ».