"C'est la guerre qui gagne. Et elle continue à gagner, encore et toujours." - Le chagrin des vivants - Anna HOPE
Le chagrin des vivants
Anna Hope
Editions Gallimard – Janvier 2016 -
Sélection Prix des Lectrices Elle
L’Angleterre, en ce mois de novembre 1920 tente douloureusement de panser les plaies infligées par ce monstre que fut la 1ère guerre mondiale, et se prépare à célébrer la commémoration de l’armistice.
Un peuple entier attend le rapatriement du corps d’un soldat inconnu, qui deviendra le symbole de cette horrible boucherie, et qui doit être enterré à l’abbaye de Westminster.
Au sein de ce même peuple à genoux, trois femmes… Trois femmes qui vont prendre vie sous la plume intimiste d’Anna Hope, qui signe là son tout premier roman.
Durant cinq jours, loin des champs de bataille, mais pourtant si près, leurs chemins vont se croiser, sans que jamais pourtant elles ne se rencontrent. Si loin mais pourtant si près des charniers, des tranchées, de la boue, de l’horreur. Elles sont liées à jamais par le fil rouge du sang versé.
Ada, Evelyn et Hettie, victimes collatérales de la guerre, sont l’incarnation même de ce « Chagrin des vivants ». Ceux qui restent, ceux qui doivent survivre au deuil, à la culpabilité, aux questions demeurées sans réponse, aux fantômes , à la perte de ce fils tombé au loin et dont il est impossible de faire le deuil sous peine de perdre la raison, à celle de ce fiancé parti et pas revenu, ou de ce frère qui reste physiquement debout, mais dont l'âme est restée là-bas..
Au fil des 384 pages de ce magnifique roman, de ce livre splendide de lumière (si , si !) , on assiste au réveil douloureux d’une nation amputée, car il faut bien survivre, et faire en sorte que « plus jamais ça » !
Au cours de ces cinq jours , la parole va se libérer, les mots vont tenter de panser, de reconstruire, ou tout du moins, de construire un nouvel « après ». Cet après qui n’empêche en rien les souvenirs de ressurgir, car la force d’attraction de la guerre est telle,que , même cinq ans après la fin du conflit, elle continue d’agir, au quotidien.
J’ai été totalement bouleversée, profondément chamboulée par ce roman dont j’étais loin d’imaginer la portée. L’auteure aligne les mots avec pudeur et délicatesse dans ce message universel, adressé dans le fond à toutes les victimes d’hier et d’aujourd’hui, des guerres dans le Monde entier. C’est un très bel hommage aux femmes, trop souvent absentes et oubliées dans ces tragédies, une ode à la vie, au chemin de la résilience et de l’Espoir.
Un immense coup de cœur, non pressenti au vu de la quatrième de couverture (ah non, pas encore la guerre !), dont il est difficile de s'extraire, qui colle à la peau après l'avoir refermé! C'est là, pour ma part, tout ce que je demande à un livre...
« Alors que le silence s'étire, quelque chose devient manifeste. Il n'est pas là. Son fils n'est pas à l'intérieur de cette boîte. Et pourtant elle n'est pas vide. Elle est pleine d'un chagrin retentissant : le chagrin des vivants. Mais son fils n'est pas là. ».