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L’archipel du chien

Philippe CLAUDEL

Editions Stock

Collection la Bleue –Mars 2018

288 pages

 

« L’histoire qu’on va lire est  aussi réelle que vous pouvez l’être. Elle se passe ici, comme elle aurait pu se dérouler là. Il serait trop aisé de penser qu’elle a eu lieu ailleurs. Les noms des êtres qui la peuplent ont peu d’importance. On pourrait les changer. Mettre à leur place les vôtres. Vous vous ressemblez tant, sortis du même inaltérable moule ».

Une île mystérieuse, hors du temps, quelque part dans une mer qui ressemble fort à la Méditerranée, ce cimetière des oubliés de l’Humanité, est le lieu où se déroule ce tout dernier roman de Philippe Claudel, paru aux Editions Stock. Un projet de Thermes doit s’y développer, promettant de donner un essor à cet endroit autarcique,  paisible, baigné de soleil, veillé par un volcan en sommeil.

Le calme et la sérénité régnants vont bientôt être troublés, et c’est peu de le dire, par la découverte de trois cadavres, rejetés par la mer, sur l’une des plages.  Trois cadavres qui viennent de « là-bas ».

Dès lors, chacun des personnages que l’on croise au fil du récit va être confronté à sa conscience, à  son choix.  En effet, que faire de ces corps ?  Divulguer la nouvelle et par là-même, prendre le risque de ternir l’image de ce petit paradis ?  Les cacher ? Les enterrer ?  Dire ? Se taire ? 

Cinq façons archétypales  d’appréhender la situation  vont se confronter : le Maire, le Docteur, le Curé, l’Instituteur, et la Vieille.  Cinq pensées  formatées par la position sociale, les valeurs, les croyances, les peurs.  Cinq paires d’yeux, cinq cœurs, cinq regards sur ce qui est étranger à l’île.

Le problème des migrants, des déracinés, des exilés est cher à Philippe Claudel, et c’est tant mieux ! C’est tant mieux si la littérature peut réveiller  des consciences endormies. C’est tant mieux si elle peut nous amener à de nécessaires interrogations (qu’aurions-nous fait ? Aurions-nous mieux fait ? Aurions-nous succombé à la facilité de la lâcheté ?)

L’archipel du chien est un conte. Cruel et âpre.  Tout comme est cruel ce monde qui ferme les yeux en toute impunité sur tout ce qui dérange sa tranquillité.  C’est un regard sans concession sur une humanité qui ferme des portes et construit des murs. Par peur. Par ignorance.

L’écriture de Philippe Claudel est comme toujours d’une extraordinaire acuité,  elle percute. Elle chamboule. 

Je remercie les Editions Stock pour ce moment de lecture,  ce  grand moment d’Humanité.

« La plupart des hommes ne soupçonnent pas chez eux la part sombre que pourtant tous possèdent.   Alors, quand ils la contemplent pour la première fois dans le secret de leur conscience, ils en sont horrifiés et ils frissonnent ».

© Nath