Varsovie- les Lilas de Marianne MAURY-KAUFMANN
Varsovie-les Lilas
Marianne Maury-Kaufmann
Editions Héloïse d’Ormesson – Janvier 2019
Varsovie-les Lilas, c’est l’histoire d’une déchirure. Celle qui lacère dès l’enfance Francine, née en 1939 à Varsovie Francine qui s’appelait Edda, qui a porté « durant les six premières années de sa vie plusieurs noms différents », un « scorpion avec une grosse blessure familiale ». Francine qui traîne son histoire, sa solitude, son froid, ses silences, ses indicibles douleurs. Pour oublier, pour que la douleur en chasse d’autres, elle marche, elle court éperdument. Elle connaît par cœur la ligne de bus 96, épicentre de ses errances.
Francine, elle est toute de traviole, toute déconstruite, toute bizarre, toute seule. Sa fille Roni la délaisse, son époux Jean est décédé. Jean et ses mots croisés, Jean qui ne voulait pas ceci, n’aimait pas cela.. . Le fantôme de Jean…
« Elle remonte son ruban éternel de solitude et de silence »
Puis, un jour, Avril va monter dans le bus 96. Une toute seule elle aussi. Une toute abîmée. Une paumée de la vie…
Alors, Francine, elle qui cherche désespérément à être écoutée, devient l’oreille compatissante, elle est fascinée par ce visage si pâle, cette démarche qui lui rappelle tellement la sienne….
Il est de chemins qui ne devraient jamais se croiser. Ou peut-être doivent-ils se télescoper pour qu’enfin la liberté puisse naître, pour que les entraves éclatent, comme une colère sourde.
« Elle est en train de naître »
Ce roman, je l’ai lu d’une traîte. Puis relu. Pour en savourer toutes les belles phrases qui le composent. J’ai éprouvé une compassion immédiate pour Francine. Peut-être parce qu’elle est dans le froid… Peut-être parce qu’elle est totalement dépouillée de toute contingence superfétatoire, peut-être parce qu’elle est à l’état brut de la souffrance. Peut-être parce qu’elle a en elle cette marginalité qui la sort du rang. Peut-être parce que des Francine, il y en a plein les rues. Et que personne ne les voit.
L’écriture de Marianne Maury-Kaufmann est d’une beauté à couper le souffle. Elle est sincérité, poésie, justesse, délicatesse et empathie. Elle est tendresse.
Gros, gros, gros coup de cœur !
Cerise sur le gâteau, ce merveilleux roman figure sur la liste des livres éligibles au Prix Orange du Livre (pour lequel j’ai la grande chance de faire partie du jury).
© Nath