Retrouver l'avenir et ses possibles - Les miroirs de Suzanne - Sophie LEMP
Les miroirs de Suzanne
Sophie LEMP
Editions Allary – Mars 2019
Ouvrir un roman de Sophie Lemp, c’est pénétrer sur la pointe des pieds, le cœur en bandoulière, dans un univers fait de douceur, de tendresse, d’amour, de lumière, de failles, de pudeur et de délicatesse. C’est une fenêtre sur le monde, un rayon de soleil.
Ce troisième roman, « Les miroirs de Suzanne », paru aux Editions Allary, est une fois encore une clé que l’autrice nous donne et qui ouvre la porte de ses émotions, qui, par la magie des mots, deviennent nôtres.
Suzanne est une femme, mère et épouse accomplie. A quarante ans, elle mène une existence plutôt bourgeoise, plutôt sereine, auprès de son époux Vincent, et de leurs deux filles.
Le jour où l’appartement familial est cambriolé, tout bascule. Hormis quelques objets sans réelle valeur, rien ne semble avoir été dérobé…. Rien, sauf peut-être l’essentiel pour Suzanne : des pans de vie, des bribes envolées, des mots scrupuleusement posés, année après année, dans des cahiers. Des souvenirs, ceux des bras d’Antoine, son amour fou, son amour passion, son amour au-delà de l’amour. Elle avait seize ans, lui une bonne trentaine de plus. Elle était lycéenne, il était un écrivain célèbre et marié. Elle lui doit son éveil au désir, et puis ces émois, ces sensations, ces attentes, ces effleurements, qui ont fait d’elle une femme.
Alors, pour ne rien oublier de ces moments fulgurants, elle décide de poser à nouveau sur le papier ses réminiscences épidermiques. Celles de cette passion inoubliable, des cicatrices qu’elle a laissées, des jours heureux, des étreintes furtives, des mots gravés dans le cœur. Ravivés par leur disparition.
« Cet amour ancien, qu’elle s’efforçait de décrire le plus justement possible, lui revient dans sa chair. C’est à lui qu’elle destine ces mots, comme si personne d’autre, jamais ne devait les lire ».
A quelques rues de là , vit Martin, un jeune homme. Martin tout seul, déchiré, qui a fait de son quotidien une « petite mort ». Il est incapable de se relever, incapable de recoller les morceaux d’un cœur en miettes. Martin qui trouve par hasard les cahiers de Suzanne, dans une poubelle. Qui les lit, jour après jour. Martin qui se nourrit des mots de Suzanne. De sa lumière. De cette passion flamboyante, lui qui est tout éteint en dedans.
« …. Grâce à Suzanne, les rêves sont revenus peu à peu.. »
Il se remplit de cette histoire qu’il découvre, il la dessine. Il se redresse doucement, tout doucement. Il se déploie. Tout comme elle. Miroirs l’un de l’autre, sans jamais se croiser.
Ce roman est celui de deux destins, celui de deux êtres écrabouillés au plus profond d’eux.
Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous, a écrit le poète. Peut-être bien que les destins de ces deux-là devaient se mêler l’un à l’autre, comme pour se soutenir, se relever, apprendre à tenir debout. Deux bouts. Deux amputés qui titubent, se cognent à la vie, à l’amour, au passé. Deux égarés qui vont apprendre à se réaliser, pour eux, par eux.
La plume de Sophie Lemp est, comme toujours, éblouissante. Elle est chargée de belles cicatrices, de cette fragilité qui la rend si proche de chacune, de chacun de nous, ses lectrices et lecteurs. Ce ne sont pas de vilaines plaies, non. Ce sont juste des points sur le cœur, des bleus sous la peau , des grains de beauté finalement. Ce sont ces fêlures que l’on devine dans un regard, que l’on palpe, du bout des doigts, à travers ce qui est dit, et surtout à travers ce qui ne l’est pas. Ce sont des lueurs d’espoir, des étincelles d’amour. C’est la victoire de la vie, des rêves, sans pour autant occulter toutes ces failles qui rendent une personne plus belle encore. C’est « avoir peur, mais avancer toujours »...
Le désir est au cœur du roman. Le désir ardent, charnel, absolu, céleste. Celui qui sublime et transcende.
Je cherche un mot mieux que « beau » pour dire ces Miroirs. Pour vous faire partager mes émotions. Pour vous dire combien ce récit est un joyau de délicatesse. Ce mot, je ne le trouve pas. Alors, je vous confie mes émotions, mes larmes versées à la lecture, mes souvenirs , mes cicatrices, tout en vous recommandant vivement la lecture de cette merveille.
Je remercie bien évidemment Sophie et les Editions Allary qui m’ont permis de découvrir en avant-première, au bord de l’eau, ou dans mon jardin-cocon-salon de thé rochelais, ces Miroirs de Suzanne.
Ce roman est pré-sélectionné dans le cadre du Prix Orange du Livre 2019.
© Nath