On dit tellement de choses - La plus précieuse des marchandises - Un conte - Jean-Claude GRUMBERG
La plus précieuse des marchandises
Jean-Claude GRUMBERG
Edition Seuil – Collection la Librairie du XXIe siècle – Janvier 2019
« Il était une fois, dans un grand bois, une pauvre bûcheronne et un pauvre bûcheron »
Tout commence ainsi. Comme dans un conte de Perrault. Comme dans une histoire imaginaire.
1943 en Pologne.Des trains, des wagons à bestiaux, emportent femmes, hommes et enfants vers une abominable destination. Dans le convoi 49, parmi les vivants, les agonisants, les cadavres que l’on jette à l’arrêt suivant, il y a un couple et leurs deux enfants, des jumeaux encore bébés. Il était alors préférable de ne pas naître juif.
Lorsque le père, ex-étudiant en médecine et futur faux coiffeur, découvre l’indicible, à savoir la finalité du voyage, il décide d’essayer de sauver l’un des deux enfants. Profitant d’un arrêt du train, il le jette à travers les barreaux, l’enveloppant dans son châle de prières, après avoir aperçu une femme sur le talus proche.
Cette femme, c’est la « pauvre bûcheronne . Lorsqu’elle aperçoit ce petit être , elle pense que les dieux du train de « marchandises » lui ont fait cette offrande inespérée , ce cadeau du ciel, elle qui rêvait d’être mère.
« Alors apparaît, ô merveille, l’objet qu’elle appelait depuis tant de jours de ses vœux... Elle se sent devenir mère ».
Le cadeau ne ravit guère le pauvre bûcheron, image même de la vox populi d’alors, qui honnissait la « race des sans cœur ». Toutefois, le temps passe, et l’amour, peu à peu, prend sa place entre ces trois-là.
« Ils partagèrent tous trois un plein fagot de bonheur, orné de quelques fleurs que le printemps leur offrait pour éclairer leur intérieur »
Hélas, comme bien souvent dans les contes, le méchant frappe et frappe encore….
Ce tout petit livre évoque la Shoah sans la nommer. L’auteur a choisi l’univers du conte traditionnel pour narrer l’inénarrable, et un pan de son histoire familiale, puisque dans le convoi 49, le vrai , figurait Zacharie Grumberg, son père, ainsi que Sylvia Menkès, née le 4 mars 1942, et gazée un an plus tard, le jour de son anniversaire. C’est ce qui, selon moi, fait toute la force de cette lecture indispensable , d’une actualité saisissante en nos temps de haine, de violence, d’intolérance et d’ostracisme.
Parce que l’Amour est la plus précieuse des marchandises, précipitez-vous pour découvrir cette pépite !
© Nath