Noir et addictif - Plateau - Franck BOUYSSE
Plateau
Franck BOUYSSE
La Manufacture de Livres – Mars 2018
Le Livre de Poche – Mars 2017
Le plateau de Millevaches, lieu aride, terre âpre , est le théâtre de ce roman de Franck Bouysse. Je ne vais pas vous cacher que c’est encore un coup de coeur, tout comme Glaise et Né d’aucune femme .Je viens de le refermer, le souffle coupé.
Le Plateau... Sur ce pan d’univers, loin de tout, bout du bout du monde rural, cohabitent Virgile et Judith, Georges et Karl. Les deux premiers sont un vieux couple. Elle perd la tête, lui perd la vue, la vie se délite, les sens s’éteignent, écrasés par le poids du ciel, de la terre, de la fatalité et des secrets. Ils ont recueilli Georges, le neveu de Virgile, alors qu’il était enfant, suite au décès de ses parents. Aujourd'hui quadragénaire désabusé, il vit dans une caravane, sans avoir pu remettre les pieds dans la maison familiale pourtant toute proche. Karl est arrivé sur le Plateau, venant d’on ne sait où, portant on ne sait quoi, une Bible sous le bras, objet de rédemption semble t’il.
Ce monde est celui des taiseux, des fantômes, des silences, des arbres, des odeurs, des sensations effleurées, des non-dits, du destin qui colle à la peau. Ce monde est celui d’ici ou d’ailleurs.
Le jour où Cory, nièce de Judith, trouve refuge au hameau, après avoir fui son mari violent, «l’homme-torture », la façade va s’ébrécher.
Et puis, il y a le Chasseur. L’ombre du Chasseur. Celui qui est tapi dans l’ombre et guette sa proie. Quelle est- elle ? Qui est-il ? Que veut-il ?
S’ouvre alors un huis-clos addictif, brillamment servi par une écriture puissante. Une écriture au cordeau, comme venue des profondeurs de cette même terre, des entrailles . Des deux sans doute. Le résultat est un roman noir, très noir. L’un de ceux qu’il est impossible de lâcher. Le suspense est présent jusqu’à la dernière page. Lire Franck Bouysse, c’est se prendre un uppercut, un direct du droit ou du gauche pleine face, et en redemander. C’est ressentir au creux du ventre toute la sombritude du mâle absolu, thème cher à l’auteur, et toute la force de la Nature. C’est prendre conscience de la puissance salvatrice des mots (je pense là à Georges et à ses livres). C’est plonger dans la moiteur de la ruralité, dans le cloaque de l’humanité, dans les méandres de l’âme. C’est vivre un grand et beau moment de littérature.
«Ici, c'est le pays des sources inatteignables, des ruisseaux et des rivières aux allures de mues sinuant entre le clair et l'obscur. Un pays d'argent à trois rochers de gueules, au chef d'azur à trois étoiles d'or.
Ici, c'est le Plateau. "
© Nath