Ce qu'il faut de nuit - Laurent PETITMANGIN
Ce qu'il faut de nuit
Laurent PETITMANGIN
Editions la Manufacture de livres - Août 2020
Rentrée littéraire
Il y a ces livres qu'il est particulièrement difficile d'évoquer, tant ils ont le don de te renverser, de te laisser pantelant(e), la bouche sèche et les larmes au bord des yeux.
Ce qu'il faut de nuit, de Laurent Petitmangin,paru à la Manufacture de livres, est de ceux-là. Brillamment, puissamment, intelligemment !
L'auteur met en scène une histoire banale à priori, une chronique de la vie quotidienne en pays lorrain, celle d'un père veuf qui élève seul ses deux fils, avec le fantôme de la "moman", qui est là, comme une immense plaie béante.
Lui, c'est le narrateur. Cheminot, syndicaliste, encarté au PS local qui vit une lente agonie, c'est avec effroi qu'il apprend que son aîné, Fus, fréquente des groupes d'extrême-droite, et est bientôt gangrené par ces idées qui gagnent du terrain dans une région où la classe ouvrière est laissée à l'abandon et ne croit plus en grand chose.
Le fils aîné, Fus, a fait office de mère de substition auprès de son petit frère, Gillou. C'est sur une carence qu'il s'est construit, sur les images d'une mère agonisante sur un lit d'hôpital, et les absences d'un père qui a fait comme il a pu pour maintenir ses deux gamins hors de l'eau.
Alors, forcément, entre le père et le fils, le fossé va se creuser. Le silence va s'instaurer pernicieusement entre ces deux taiseux, tissant peu à peu les fils de la tragédie.
Dans une langue simple, sans détours, Laurent Petiitmagin pose un roman inoubliable, engagé. L'âpreté du récit fait corps avec celle du paysage, et de cette dérive peut-être, après tout, inévitable. Je ne sais pas.
Ce qu'il faut de nuit c'est aussi tout ce qu'il faut d'amour, de renoncement, d'acceptation, de résilience peut-être. Ou d'oubli. Ou de poings qui se lèvent, de mots qui jailissent, avec pudeur, sans pathos, sans "trop". Equilibire périlleux parfaitement réussi pour ce premier roman absolument magistral, je n'aurai de cesse de le dire, et de le répéter !
La fin est absolument bouleversante, je n'arrive pas à trouver les mots justes pour vous en parler, l'émotion est encore sans doute trop forte.
Voici un roman à côté duquel il ne faut absolument pas passer, sous aucun prétexte.
"J'avais finalement compris que la vie de Fus avait basculé sur un rien. Que toutes nos vies, malgré leur incroyable latéralité de surface, n'étaient qu'accidents, hasards, croisements et rendez-vous manqués. Nos vies étaient remplies de cette foultitude de riens, qui selon leur agencement, nous feraient rois du monde ou taulards"
© Nath