Le Mal-épris
Bénédicte Soymier
Editions Calmann-Lévy - Janvier 2021
Avec ce premier roman, Bénédicte Soymier entraîne le lecteur dans la spirale infernale des violences conjugales.
Ce qui est particulièrement intéressant, et fait toute la richesse de l'histoire (outre l'écriture absolument addictive), c'est que l'autrice se glisse tant dans la peau de la victime que dans celle du bourreau. Dans celle de la femme brisée et dans celle de l'homme briseur.
Lui, c'est Paul, modeste employé de la Poste, au physique disgracieux, dévoré par l'envie d'être autre, d'être du côté des beaux, des nantis, ceux pour qui tout est facile, de ceux qui fascinent, alors que lui se sent invisible, inintéressant.
Il faut dire qu'il traîne de sacrés boulets, Paul, à commencer par une enfance laminée. Il a grandi avec pour héritage le mépris, les coups, le désamour, la haine. Forcément, ça n'aide pas pour avoir confiance en soi et en l'existence. Il a poussé comme ça, avec la jalousie pour terreau et l'envie pour engrais.
Il rêve, Paul. Il rêve d'une vie de famille, d'une femme aux petits soins pour lui, qui ne verrait que lui, une femme qui l'admirerait autant qu'elle l'aimerait.
Alors, quand la belle Mylène aménage tout à côté de son appartement, il jette son dévolu sur elle, l'épie, l'espère. En vain. Fiasco. Un échec de plus.
Par défaut, par dépit, il séduit Angélique, qui devient "son ange" , une mère célbataire un peu paumée, douce et prête à donner beaucoup, quitte à recevoir peu. Elle va doucement devenir sa proie, l'objet de sa rancoeur contenue. Paul deviendra dès lors ce qu'il exècre : un être violent, colérique, obsédé, capable de devenir fou furieux à la moindre contrariété.
Le Mal-épris n'est pas qu'un roman de plus sur le fléau des violences faites aux femmes.. C'est bien plus que cela. La plume de Bénédicte Soymier en fait un véritable page-turner, que l'on ne peut lâcher tant il tient en haleine. En outre, la façon d'aborder le sujet est extrêmement intéressante. En effet, on s'interroge sur la capacité de chacun à se construire sur ce qui n'a pas été reçu . Peut-on échapper à certaines fatalités ? Peut-on parler de résilience quand les premières années de vie ont été saccagées ?
Je suis particulièrement concernée par le thème évoqué dans ce roman, j'ai été glacée par le personnage de Paul, avant de finir par essayer de le comprendre, aussi paradoxal que cela puisse paraître, au regard de mon engagement dans ce domaine. C'est dire si l'intrique est intelligemment menée. C'est dire si j'ai aimé cette lecture !
"L’homme compense le poids du mal dont on lui a écrasé l’échine par la masse de sa haine"
© Nath