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Puisque le soleil brille encore
Sarah Barukh
Editons Calmann-Levy - Mai 2021


France / Argentine ... Non, ce n'est pas un futur match de football mais le grand écart que va vivre Sophie, brillante avocate parisienne, lorsqu'elle découvrira que ce qu'elle pensait être une réalité n'est en fait qu'un mensonge, entretenu depuis son enfance.

Très affectée par le décès de son père Thiago, auquel elle était très attachée, la jeune femme sera amenée à apprendre à déconstuire pour reconstruire, pierre après pierre, l'édifice brinquebalant de sa vie.

Au coeur du récit, il y a l'innommable dictature argentine, qui a crucifié le pays entre 1976 et 1983, les tortures à l'ESMA, les "desaparecidos", les grands-mères de la place de Mai, et les cinq-cents bébés volés . Enfants arrachés à leur mère dès la naissance, puis confiés à des membres de la junte militaire au service du général Videla, ils ont grandi dans le mensonge : fausse idendité, fausse histoire de famille, et bien sûr fausse filiation.

Sophie pense être de ceux-là, après la découverte d'éléments troublants, au domicile de ses parents. Pour desserrer l'étau qui noue son corps tout entier, pour éteindre ce feu qui la dévore au point de lui faire perdre pied, elle va partir à Buenos Aires. Savoir est devenu sa priorité.

Là-bas, justement, il y a une femme, Soledad. Victime de la dictature, elle a sombré depuis longtemps dans l'alcoolisme et une certaine forme de folie, son lourd secret enfoui au fond de son coeur. Son fils Nahuel a côtoyé lui aussi ses propres démons.

Ces trois personnages vont se découvrir et à travers eux, c'est un pan d'Histoire qui se soulève, c'est l'ampleur de l'atrocité d'un régime totalitaire qui frappe alors en toute impunité. Ce sont des vies lapidées, des destins brisés. C'est le viol comme arme de guerre, puis les méthodes ignobles tels que les vols de la mort.

Sarah Barukh creuse dans la mémoire d'un peuple, dans l'amnésie de tous ceux dont on a gommé l'existence, dans une souffrance encore bien actuelle. Elle plonge au coeur de l'Histoire par le biais d'une histoire. La petite dans la grande. Celle que beaucoup trop ignorent encore, je crois bien.

Elle dissèque, avec talent et pudeur, comme toujours. Le corps au coeur du récit. La parentalité en fil rouge. Elle passe au crible le questionnement relatif à la révélation de la vérité : est-ce toujours nécessaire ?

Ce roman fait partie des lectures que je considère comme absolument indispensables. Pour le bonheur de retrouver , pour la quatrième fois, la plume de Sarah bien sûr, mais aussi pour ne pas oublier, car le combat continue.

Cette lecture , c'est un poing levé vers le solei, celui qui orne le drapeau argentin en son centre.

J'ai eu du mal à quitter Sophie, Soledad, Nahuel, Aurélie, Dimitri, et tous les autres. Tous ceux qui n'apparaissent pas nommément dans le récit mais qui sont là, attendant leur rayon de soleil, leur part de vérité. Je pense à eux, aux "abuelas de la Plaza de Mayo". Le soleil brille encore , il ne faut jamais l'oublier, puisse-t'il cicatriser les plaies !

Je remercie Sarah et les Editions Calmann-Levy, grâce à qui j'ai pu m'émouvoir en avant-première.

© Nath