Que sur toi se lamente le Tigre
Que sur toi se lamente le Tigre
Emilienne Malfatto
Editions Elyzad - Septembre 2020
D'abord, il y a la couverture du livre. Femmes voilées. Bouche close. Une main masculine que l'on devine. Une cigarette.
Puis, il y a l'histoire. Ou plutôt la tragédie. Celle d'une jeune femme qui va mourir car elle ne peut échapper ni à son destin, ni au poids de la tradition. Celle qui régit la vie en Irak, là où coule le Tigre.
Son crime ? Avoir eu des relations sexuelles hors mariage et porter un enfant qui ne doit pas voir le jour, puisqu'elle est condamnée à périr par la main de son frère aîné.
Dans ce récit choral, chaque membre de la famille exprime son point de vue sur le dernier jour de vie de celle qui a osé aimer un homme tombé sous les obus.
Des extraits de l'épopée de Gilgamesh ponctuent la narration. Ils sont dits par l'un des personnages principaux du roman, celui qui voit, analyse, pleure en silence : le Tigre, ce fleuve immense qui parcourt l'Irak du nord au sud. Témoin impuissant de la tragédie, il interpelle le lecteur, didascalie ankylosée par l'implacable tragédie qui se met en place. En effet, l'ombre d'Antigone, d'Eurydice ou d'autres sacrifiées au nom du devoir plane. Elles ont enfreint la loi patriarcale, elles doivent mourir.
"Que sur toi se lamente le Tigre" est magistralement servi par l' écriture sobre et puissante d'Émilienne Malfatto.
J'ai été profondément ébranlée par cette lecture, qui, selon moi, est absolument nécessaire pour combattre l'obscurantisme.
Il est si simple, dans notre société occidentale, d'ignorer, de taire, de considérer qu'après tout, c'est loin, c'est une autre culture. Que c'est triste et déplorable certes, mais que nous n'y pouvons rien... Ignorer n'est-ce pas absoudre ?
Le roman d'Émilienne Malfatto le Prix Goncourt du 1er roman.
Lisez-le, faites-le lire, c'est une urgence !
© Nath