Lever du jour en Alabama

Quand je serai devenu compositeur

J'écrirai pour moi de la musique sur

Le lever du jour en Alabama

J'y mettrai les airs les plus jolis

Ceux qui montent du sol comme la brume des marécages

Et qui tombent du ciel comme la rosée douce

J'y mettrai des arbres très hauts très hauts

Et le parfum des aiguilles de pin

Et l'odeur de l'argile rouge après la pluie

 

Et les longs cous rouges

Et les visages couleur de coquelicots

Et les gros bras bien bruns

Et les yeux pâquerettes

Des Noirs et des Blancs des Noirs des Blancs et des Noirs

Et j'y mettrai des mains blanches

Et des mains noires des mains brunes et des mains jaunes

Et des mains d'argile rouge

Qui toucheront tout le monde avec des doigts amis

Qui se toucheront entre elles ainsi que des rosées

Dans cette aube harmonieuse

Quand je serai devenu compositeur

Et que j'écrirai sur le lever du jour

 

En Alabama.

 

 Langston Hughes : « Poèmes »

Traduit de l’anglais par François Dodat

Pierre Seghers, éditeur, 1955