L'enfant réparé - Grégoire Delacourt - Editions Grasset
L'enfant réparé
Grégoire DELACOURT - Septembre 2021
Editions Grasset
Touchée en plein coeur par le dernier livre de Grégoire Delacourt , " L'enfant réparé" (Editions Grasset), je vais ici tenter de laisser mes doigs en balbutier quelques mots.
L'émotion lors de cette lecture a été immense (et c'est bien peu de le dire), submersive, renversante , et tétanisante à la fois. Un curieux mélange chez cet auteur qui avait pour habitude de raconter des histoires de femmes, de mères, d'enfants, d'amours, de couples.
Grégoire livre ici non pas un roman mais le récit de sa propre vie. De ce traumatisme qu'il a porté, bien enfoui, des années durant. On appelle ça "amnésie traumatique".
D'une enfance cernée de ronces, de celles qui empêchent de pousser comme il faudrait, droit et fier, aimé et aimant, sans cette boule qui ronge d'en-dedans sans qu'on sache la nommer , avec la tête et le coeur qui explosent parfois, jusqu'à l'âge de la révélation, l'auteur pose ses errances, ses amours, ses écrits, ceux-là même qui, lorsqu'on y repense sont parfois révélateurs de ces plaies sous-cutanées, de ces valises qui entaillent la peau en profondeur, car trop lourdes à porter. Que l'on pose parfois sur un divan...
Du corps, de sa déliquescence du temps qui passe, des secrets que l'on pressent sans pouvoir les nommer, de rafistolage dans un premier temps, il est question dans cet "Enfant réparé", tout en pudeur et délicatesse, en dépit des sujets abordés.
Au fil des pages, j'ai découvert, l'estomac noué, tous ces fracas que je n'avais pas su, ou peut-être pas voulu saisir, toutes ces plaies qui piquent tant qu'on voudrait les arracher et les jeter loin, bien loin.
Ce livre, cest celui d'une vie que j'espère sincérement apaisée. Une existence faite de malheurs, mais aussi de bonheurs, d'amour (merci à Dana). Il est écrit à l'encre des larmes, puisé dans les tréfonds du noyau personnel qui brûle parfois l'intérieur, consume à hurler , alors que les cris restent muets. C'est également un hommage aux mots salvateurs, à ceux qui permettent de tenter de se redresser, peu à peu. Peut-être même d'être Soi, qui sait ? Avec toutes ces/ses échardes. Mais ne dit-on pas que les roses se rassurent comme elles peuvent, avec leurs épines ? Ces ronces que l'on attrape à pleines mains , quitte à s'en taillader la paume, ne sont-elles pas le prix à payer pour la Liberté ?
Grégoire a su faire de toutes ses inimaginables blessures des mots magiques, des mots papillons, des mots nuages. Il y a en eux toute la délicatesse de son regard. Pour ne pas tomber, il a visé le ciel.
Son livre, s'il est glaçant, est aussi d'une pudeur à l'image de l'auteur, dont je n'oublierai jamais le rôle prépondérant qu'il a joué à un moment de ma vie.
C'est un récit magnifique, courageux, solaire d'ombres et de chagrins que l'auteur offre là. Une mise à nu, une déflagration littéraire, un énorme coup de coeur pour lequel je le le remercie.
"On est ce qu'on a tamisé de nos héritages"
Grégoire Delacourt à tamisé le bon grain. Et remisé l'ivraie. C'est une certitude. Il a donné de l'espoir à tous les éclopés de l'enfance, de l'amour, de la vie. Merci !
© Nath