Voyage au bout de l'enfance - Rachid Benzine
Voyage au bout de l'enfance
Rachid Benzine
Editions du Seuil - Janvier 2022
Rentrée littéraire d'hiver
Si je vous dis que j'ai bien cru ne jamais pouvoir vous parler de ce livre, me croirez-vous ?
Me croirez-vous si je vous raconte que je l'ai refermé les larmes aux yeux et la gorge nouée par le destin de Fabien, devenu Farid, un gamin de Sarcelles, déraciné de sa banlieue par des parents partis rejoindre les rangs de Daesh ?
"Voyage au bout de l'enfance", de Rachid Benzine, est un tsunami littéraire, l'un de de ceux qui ravagent, et vous laissent un gros bout d'âme en charpie.
L'auteur signe une oeuvre qui devrait être lue partout. Par tous. Pour ne plus fermer les yeux. Parce que c'est trop facile... Tellement simple de faire comme si on ne savait pas que pas si loin que ça de chez nous, il y a ces camps de la honte. Ces gamins oubliés. Ces femmes qui perdent la raison...
Ce court roman est un plaidoyer contre l'endoctrinement, une nécessaire dénonciation.
L'immense tour de force de Rachid , c'est de faire d'un enfant le narrateur, de voir l'horreur à travers son regard à lui.
Toutefois, ce Voyage n'est pas que nuit. Il est aussi poésie, hommage à la Liberté, à l'amitié, à l'amour d'un fils pour sa mère à bout de souffle. Fabien puise sa force dans ses souvenirs, les moments en famille, les parties de foot avec les copains, le chien des voisins, tout ce qui représente la vie, et s'oppose par là-même au quotidien tragique qu est le sien. Il creuse jusqu'au bout de sa nuit la force dans des mots qu'il espère salvateurs. Le seront-ils ?
Un roman poignant, inoubliable, un immense, immense coup de coeur !
"Les poèmes ça a pas besoin de la vérité. Les poèmes ça existe pour faire plus beau que la réalité. Maman pleure souvent quand je lui lis mes poèmes à sa gloire. Alors je lui écris aussi des poèmes qui font rire. Et des poèmes qui font rêver. Et des poèmes qui font tout oublier. Qui parlent d’un monde qui n’existe pas mais où on aimerait bien habiter. Où on serait heureux. Je crois que c’est des poèmes sur le paradis que j’écris en fait ces fois-là. Mais pas le paradis de Daesh, avec des ennemis et des gens qu’il faut tuer... S'il n'y avait pas mes poèmes, je crois que maman serait déjà morte".
© Nath