Nos Silences - Wahiba Khiari

Nos Silences
Wahiba Khiari
Editeur Elyzad, version poche -juin 2022

-"Ecrire, c'est aussi entailler la chair pour tatouer l'indélébile mémoire"

Il y a ces livres qui vous retournent le coeur, vous nouent le ventre, vous enserrent l'en-dedans.

"Nos silences", de Wahiba Khiari, est de ceux-là. Peut-on d'ailleurs parler d'un roman ? C'est la question que je me pose,mais après tout qu'importe !

C'est ici un récit à deux voix, pour tenter de briser le mur de ces silences assourdissants de douleurs inaudibles. Voix de la narratrice, qui a fait le choix de quitter une Algérie mise à feu et à sang par ceux qui torturent, violent, tuent au nom d'une religion détournée au profit de l'extrêmisme. Le viol est devenu une banale arme de guerre, le corps des femmes un trophée sali , bafoué, humilié. Voix silencieuse de celle qui est restée, celle qui voulait apprendre, qui rêvait de liberté, qui avait fait des "Misérables" son livre emblématique. Enlevée, martyrisée, et mise enceinte comme nombre de ses "soeurs", elle déroule sa plainte tue en italiques.

A sa vie faite d'exil et d'amour, l'autrice oppose l'horreur insoutenable, le froid, la noirceur, la chair lacérée, les muitiples viols et mariages de celles qui ont subi l'obscurantisme.

C'est un récit glaçant, bouleversant, douloureux, mais nécessaire. Absolument nécessaire au nom de toutes les Femmes meurtries, éteintes par une suprématie masculine assassine. J'ai bien sûr pensé aux drames qui se jouent acuellement pas si loin que ça de nos frontières, à ces corps broyés, violés.

Quand le cauchemar cesse, que reste-t'il ? Un corps sans vie, une bouche sans voix, et l'impossibilité de pardonner aux bourreaux. Dès lors, il reste les mots, ceux qui sauvent, ceux qui dépassent les frontières et permettent de rester debout malgré tout.

"Ce soir, c'est l'homme qui se déchaîne, c'est lui qui hurle, c'est lui qui attaque, c'est lui la bête"

© Nath