Ce n'est pas toi que j'attendais

Fabien Toulmé

Editions Delcourt - Août 2018

J'ai été profondément bouleversée par cette toute première bd de Fabien Toulme , pour qui, vous le savez sans doute, j'ai la plus vive admiration.

Il aborde ici le thème du handicap. Plus précisément de la trisomie21 . Ce petit chromosome en plus qui fait toute la "différence". Ce mots-là, je ne l'aime pas. Nous sommes tous dissemblables.
Néanmoins il n'en existe pas d'autre pour désigner ce qui est , dans le cas de l'auteur, une sidération absolue, une incompréhension totale et une peur viscérale.

En effet, durant toute la grossesse de son épouse et en dépit des multiples examens pratiqués, rien n'a été décelé jusqu'à la naissance de leur deuxième fille, Julia.

Je précise que ce récit est celui du vécu de Fabien ...

" 𝗝’𝗮𝗶 𝗽𝗿𝗶𝘀 𝗰𝗼𝗻𝘀𝗰𝗶𝗲𝗻𝗰𝗲 𝗾𝘂𝗲 𝗷𝗲 𝗽𝗮𝗿𝘁𝗮𝗶𝘀 𝗱𝗲 𝗹𝗼𝗶𝗻 𝗱𝗮𝗻𝘀 𝗹’𝗮𝗰𝗰𝗲𝗽𝘁𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗱𝗲 𝗺𝗮 𝗳𝗶𝗹𝗹𝗲 𝗲𝘁 𝗷’𝗮𝗶 𝘃𝗼𝘂𝗹𝘂 𝗹𝗲 𝗿𝗮𝗰𝗼𝗻𝘁𝗲𝗿 𝗽𝗮𝗿𝗰𝗲 𝗾𝘂’𝗮𝘂 𝗳𝗼𝗻𝗱 𝗰’𝗲𝘀𝘁 𝘂𝗻𝗲 𝗰𝗵𝗼𝘂𝗲𝘁𝘁𝗲 𝗵𝗶𝘀𝘁𝗼𝗶𝗿𝗲. 𝗝𝗲 𝗻’𝗮𝗶 𝗽𝗮𝘀 𝗰𝗵𝗲𝗿𝗰𝗵é à 𝗳𝗮𝗶𝗿𝗲 𝗱𝘂 𝗽𝗿𝗼𝘀é𝗹𝘆𝘁𝗶𝘀𝗺𝗲, 𝗷𝗲 𝗻’𝗮𝗶 𝗽𝗮𝘀 𝗰𝗵𝗲𝗿𝗰𝗵é 𝗻𝗼𝗻 𝗽𝗹𝘂𝘀 à𝗽𝗹𝗮𝗶𝗿𝗲 𝗻𝗶 à é𝘁𝗮𝗹𝗲𝗿 𝗹’𝗶𝗻𝘁𝗶𝗺𝗶𝘁é 𝗱𝗲 𝗻𝗼𝘁𝗿𝗲 𝗳𝗮𝗺𝗶𝗹𝗹𝗲. »
 

Il fait part de son rejet initial, puis de ce lien puissant qui se noue peu à peu avec son enfant pour terminer sur ces mots fabuleux" D'ailleurs on a de la chance qu'elle nous ait choisis".

J'ai été aesh pendant 12 ans, j'ai pu accompagner ces enfants -bisous qui sont des torrents d'amour. Alors oui, il ne faut pas ignorer le parcours du combattant des parents, le manque de structures et de personnel adapté , mais ce que je retiens de ma lecture et de mon expérience , c'est de l'Amour. Et je crois que c'est la seule chose qui fait avancer le Monde, au-delà des préjugés.

"Ce n'est pas toi que j'attendais"  est un récit tout en pudeur, sans faux-semblants. Je vous conseille vivement cette lecture, ainsi que celle de tous les albums de Fabien Toulmé. Une belle leçon de vie, d'altruisme et de tolérance vous attend.

Immensissime coup de ❤️ !

© Nath

Tokyo crush
Vanessa Montalbano
Editions les Arènes/Komon - Avril 2023

Passionnée par le Japon et la culture nippone, j'ai foncé sur cette lecture et croyez-moi, c'est sans le moindre regret, bien au contraire !!

L'autrice, Vanessa Montalbano, prend il y a 6 ans, un aller simple pour Tokyo.  Elle trouve un petit job dans une izakaya, qui est une sorte d'auberge, et afin d'améliorer sa maîtrise de la langue, elle décide de s'inscrire sur des sites de rencontre.

 Elle se rend bien vite compte que le Tinder local n'a rien à voir avec l'application française.  Là-bas, en effet, un "date" , n'a pas nécessairement pour but de trouver l'amour, petit ou grand d'ailleurs.  L'une des références de base est le groupe sanguin, qui est un critère fondamental . Bref, "dater" au Japon est tout un art !

C'est ainsi que Vanessa va de découverte en découverte, dans ce pays aux codes si différents des nôtres.

Au-delà des relations amoureuses extrêmement codifiées, on découvre une façon de vivre, d'aimer et de le déclarer, que nous, occidentaux, n'imaginons pas.

J'ai aimé cette lecture enrichissante, distrayante et attachante.  J'ai adoré le chapitre sur la Saint-Valentin, appris le sens du mot "Tomo"  (qui est aussi celui d'un mes salons de thé préférés ici à Paris).  J'ai eu l'impression de vivre ce quotidien avec l'autrice,  de découvrir qu'au milieu de l'agitation de cette mégapole , règne toutefois une grande solitude.

 
"Le problème est tel que le gouvernement a même nommé un ministre de la Solitude...  On voit même des solo camp, aller camper en solitaire, et des solo weddings, pour femmes célibataires souhaitant vivre l'expérience d'une journée et d'un shooting photo en robe "

A découvrir sans faute dans la même collection :
- Comment je suis devenu japonais, de Florent Dabadie
- La parfaite Tokyoïte, de June Fujiwara
- La  vie Kombini de Jérôme Schmitt.

C'est impatiemment que j'attends les parutions à venir !!

© Nath

Inoubliables (1)
Fabien TOULME
Editions Dupuis - Septembre 2023
BD Biopic

6 histoires vraies.
6 témoignages inoubliables.

Fabien Toulmé est un observateur de vies. C'est ce qu'il fait à travers les six portraits particulièrement touchants qu'il nous présente dans cette BD, histoires recueillies en Europe, en Amérique latine ou en Afrique.

Inoubliables, elles/ils le sont toutes et tous, tout comme leurs chemins de vie, leurs parcours , leurs amours, leur force de résilience, leurs luttes, leurs intimes douleurs ou joies.
Ces portraits sont ceux de vraies personnes, ils content "les travers et la beauté de notre époque. Au final, ce recueil ressemble un peu à ce que dit Forrest Gump quand il compare la vie à une boîte de chocolats : "On ne sait jamais sur quoi on va tomber".

Venez à la rencontre d'Emilie, de Beatriz, , de Marie, de Kévin, de Marine, et de Grégory !

Avec une infinie pudeur et une grande délicatesse, Fabien Toulmé décrit une fois encore l'Humanité dans toute sa simplicité, sa complexité et sa force.

Le tout est sobre, tout en justesse et humilité.  On ne peut qu'éprouver une infinie tendresse pour chacune et chacun de ceux qui ont raconté un pan de leur existence, et je vous avoue avoir versé plus d'une fois ma larmichette. L'ensemble est construit comme un  puzzle de notre monde, avec ses angles , ses lignes tracées, et la nécessité d'en unir tous les morceaux pour le constituer.

Vous l'aurez deviné, je suis une fan inconditionnelle de Fabien Toulmé, dont je vous recommande la lecture bien évidemment, toutes ses oeuvres sont excellentissimes, vous avez le choix !!

© Nath

Poussière blonde
Tatiana de Rosnay
Editions Albin Michel - Février 2024

Poussière Blonde, c'est la rencontre improbable de deux femmes qu'à priori, tout oppose mais que bien des choses rassemblent en réalité.

Pauline est une jeune mère célibataire. Elle travaille comme employée au Mapes Hôtel, à Reno, Nevada.  Ce n'est pas là sa vocation première, elle se rêvait vétérinaire, mais la maternité a mis un terme à cette ambition et la voici un jour amenée à nettoyer la chambre 614.
Celle-ci est occupée par le couple Miller, et alors que Pauline pense être seule pour procéder au ménage, elle fait face à une femme paumée, Mrs Miller, autrement dit Marylin Monroe, qu'elle ne reconnaît pas.

C'est alors le tournage des "Désaxés", considéré comme un film maudit pour une Marylin profondément dépressive et abîmée.

Peu à peu, les deux femmes vont se rapprocher , l'anonyme et l'étoile vont se soutenir, s'écouter, et c'est ainsi que Pauline trouvera sa voie, et par là-même sa liberté.  

Poussière blonde est un roman purement captivant, solaire, il nous présente Marylin Monroe sous des traits inconnus.  une femme certes brisée mais inspirante.

L'écriture de Tatiana est comme toujours, d'une grande beauté, d'une pureté inouïe , fluide et addictive. On s'attache forcément aux personnages, ce qui est essentiel pour moi. 

C'est un gros gros coup de coeur que je vous recommande vivement !

"Je suis une actrice habituée à endosser des rôles. La personne extraordinaire, c'est vous. Sauf que vous ne le savez pas"

© Nath

La langue des choses cachées

Cécile Coulon

Editions de l’Iconoclaste - janvier 2024

J’ai l’impression que chaque roman de Cécile Coulon m’emporte chaque fois plus loin dans la noirceur, dans la beauté cachée de l’âme, dans celle des choses, des mots et des silences.

C’est une écriture minérale, qui place la nature, un lieu, au centre du récit, en faisant ainsi de celui-ci un personnage à part entière.

Cette fois, nous voici transportés au “Fond du Puits”, hameau perdu entre deux collines.  Le fils, lui qui sait parler la langue des choses cachées, est tout comme la mère, un guérisseur.  Elle lui a tout appris, mais voilà, cette fois, elle est trop âgée, trop fatiguée, pour se charger de cette mission.  Alors, c’est le fils qui part seul, avec une recommandation ultime de la mère, à surtout ne pas transgresser.

C’est là-bas, dans ce hameau, au chevet d’un enfant malade, qu’il va percevoir tout ce qui n’a jamais été dit, toutes les souffrances, tous ces corps féminins mutilés, écorchés, souillés..

C’est là-bas que la langue des choses cachées va lui permettre de saisir la violence inouïe tue.  Cette même violence qui est portée comme un fardeau.

C’est là-bas que le fils va s’affranchir d’une parole donnée, tentant de rétablir le cours des choses, et une certaine idée de la justice et de la vengeance.

Cécile Coulon nous offre ici un conte.  On peut le qualifier de noir, d’initiatique, de tous les attributs possibles, il n’en demeure pas moins que ces 135 pages sont un pur bonheur de lecture, un roman qui vous marque au fer rouge, sublime de métaphores et de poésie, prenant car bien qu’intemporel, il traite de sujets terriblement actuels.

Un immense coup de coeur pour La langue des choses cachées, et un grand merci à Cécile et aux Editions de l’iconoclaste, grâce à qui j’ai pu découvrir cette lecture en avant-première

“..il était là pour apprendre à éteindre les grands feux furieux que ces moments, tous identiques, allumeraient dans le coeur pourri des hommes et le coeur brisé des femmes.”

© Nath

"C'était le temps où les gens lisaient, dans les métros, les rues, les plages et les lits, les salles de bain et les cuisines, les gens apportaient des livres dans les parcs, les jardins, les piscines, les salles d'attente, les bus, les trains, les avions, ils lisaient dans les fauteuils, les canapés, les salons, les hôtels, les cafés et les bars, les villes et les villages, l'été comme l'hiver, le soir ou le matin, en mangeant, en se couchant, en se levant, avec une tasse de thé ou un verre de vin, au coin du feu, lorsque le jour déclinait : les gens lisaient partout, à chaque moment de leur journée, à chaque heure de la vie, pour se raconter une autre histoire, pour fuir le réel ou le vivre plus intensément, pour comprendre les hommes ou pour les détester, ou simplement pour passer le temps".

Eliette Abécassis

L’enterrement de Serge

Stéphane Carlier

Editions Pocket

Serge Blondeau est mort. Considéré comme le looser de la famille, il travaillait pour un EHPAD, vivait dans un mobil home avec sa compagne femme de ménage, bref, un peu la honte de la famille…

Serge est mort, et à cause de la grève qui paralyse le pays, bien peu de gens sont là, dans cette église, autour du cercueil du défunt.  Bien peu surtout éprouvent un réel chagrin.  Ils sont douze au total.

L’auteur dresse un portrait sans concession, de chacun d’entre eux, depuis l’inconsolable veuve, au beau-frère qui n’hésite pas à sortir sa calculatrice durant la cérémonie afin d’établir le montant d’une dette contractée par le défunt en 1998, et jamais remboursée.

Tout ce petit monde écoute le prêche d’un curé sexy et fantasmatique pour certaines.

L’enterrement de Serge est un roman choral, on a donc les ressentis de chaque personnage, dont certains sont, comment dire…très hauts en couleurs !

C’est un mélange de douceur, de cynisme, de pathétisme, une dénonciation de la société mercantile, et du jugement que l’on peut porter sur les autres, qui mènent une vie différente de la nôtre.   Il y a beaucoup d’humour, on rit, on est touché(e), par la verve de l’auteur.  Aussi drôle qu’émouvant, ce tout petit roman fait du bien .  J’y ai trouvé une jolie satire de notre monde.

Alors oui, certains passages sont un peu tirés par les cheveux , certes, mais n’est-ce pas le but de cette histoire dans le fond ? L’ambivalence humaines n’est elle pas elle-même parfois irrationnelle ?

"Pourquoi les riches en veulent toujours plus ? Ça ne les rendra pas immortels. Surtout qu’on le sait bien, tous les anciens braqueurs vous le diront - et ce sont des gars qui ont brassé des millions d’Euros : le blé, c’est un mensonge qu’on se raconte à soi même. La vrai richesse, on l’a en se promenant en bord de Saône au début de l’automne, en sentant le parfum du forsythia dans l’air du soir, en faisant rire ou frémir un gamin à qui on lit une histoire. C’est dans ces moments là qu’on est vraiment puissant."

J’ai fait cette lecture dans le cadre de ma participation au Grand Prix des Lecteurs Pocket 2024

© Nath

Monstres

Frédéric Richaud

Editions Pocket

Ce très court roman nous plonge dans le Paris du 17e siècle, à l’époque de la régence assurée par Anne d’Autriche et Mazarin, alors même que la Cour se tenait encore au Louvre et que Paris était loin d’être celui du baron Hausmann, En effet la ville est sale, souillée, puante.

C’est à cette même époque que naît Catherine-Henriette Bellier, enfant difforme, d’une laideur repoussante qui lui vaut d’être condamnée à périr sur le champ.  Dotée d’une intelligence prodigieuse et d’une soif de savoir, elle sera sauvée par sa grand-mère Genevière, qui lui transmettra son savoir concernant les plantes et leurs pouvoirs, à une époque où les médecins, justement décrits par Molière, soignaient à grands renforts de bouse de cheval, raclures de cornes de cerfs et autres élucubrations.

Catherine épousera Pierre Beauvais, dont les rêves de gloire resteront à l’état de chimères , alors que celle qu’il cache en raison de sa laideur sera appelée à la Cour et y gravira les échelons.

“La beauté se cache sous le masque de la laideur”, c’est ce que l’on découvre page après page dans ce roman absolument incroyable, que l’on dévore insatiablement, de la première à la dernière page.

Sous des apparences qui pourraient paraître légères, “Monstres” est une réflexion sur le regard d’autrui, l’apparence, la médisance, l’effet de groupe qui peut détruire ou écrire une réputation., et la volonté.  C’est l’hisoire d’une femme exceptionnelle, dont j’ignorais tout.  C’est enfin un gros gros coup de coeur que je vous recommande vivement !

"Monstres” fait partie de la sélection des livres de littérature française en lice pour le Grand Prix des Lecteurs Pocket 2024.

© Nath