Accordez-moi la parole - Vinciane Moeschler

Accordez-moi la parole
Vinciane Moeschler
Editions Mercure de France - Mars 2023

A travers ce roman percutant et troublant, Vinciane Moeschler aborde un sujet tabou : celui de l'infanticide, vu par le prisme de celle qui l'a commis.

Raphaëlle est en apparence une mère et épouse comblée. Après une enfance douloureuse, elle a trouvé la stabilité dans le mariage et la maternité, désirant plus que tout apporter à ses enfants l'équilibre et l'amour qui lui ont fait défaut et sans lesquels elle s'est construite.

Son aîné naît lorsqu'elle a 20 ans, et elle se fait alors la promesse d'être la meilleure des mamans.

La réalité vient bientôt la frapper de plein fouet. Son couple se délite, elle est enceinte de son troisième enfant, doit faire face seule au quotidien, mais elle reste. C'est le début de la chute.

Son bébé naît grand prématuré et Raphaëlle se retrouve plongée dans la plus grande des solitudes, dépression post-partum à la clef. Face à sa désespérance, sa difficulté immense à ce qu'elle ressent comme insurmontable , sa fatique, sa peur, les institutions sociales menacent de placer ses enfants en famille d'accueil.

C'est seule qu'elle va affronter la tempête qui l'entrainera vers un acte indicible.

Du fond de sa prison, Raphaëlle va se confier à une autrice connue, Salomé,elle aussi jeune mère. Leurs récits vont dès lors s'entrecroiser.

Accordez-moi la parole est un récit d'une puissance glaçante, qui aborde le sujet non seulement de l'infanticide, mais aussi de la dépression post-partum, du burn-out maternel, de la pression sociale, de la violence sous toutes ses formes. Le but n'est pas de justifier l'acte , mais plutôt d'en expliquer les sources , à savoir la solitude, les manquements institutionnels, l'absence d'écoute, les conséquences des traumatismes de l'enfance.

Le roman chamboule, happe, ébranle.

Je remercie les Editions Mercure de France pour cette lecture marquante, en apnée.

"Mon histoire.Cette histoire.Qui m’a conduite à l’acte le plus indicible qui soit.Donner sens à l’abominable allait me permettre d’accepter l’enfer que serait ma vie.Non pas celle qui m’a été proposée à la naissance.Pas celle que j’aurais souhaitée.Celle que vous, eux, les autres, ont piétinée.Celle qui m’a été confisquée parce qu’on m’a laissée trop seule.J’avais besoin de comprendre, moi aussi.Comment j’en suis arrivée là".

© Nath