Le Boudoir de Nath - Blog littéraire et culturel -

24 mars 2023

Un abri de fortune - Agnès Ledig

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Un abri de fortune
Agnès Ledig
EditIons Albin Michel -Mars 2023ce


J'aime découvrir chaque roman d'Agnès Ledig, car dans ce monde de brutes, d'égoïstes, et d'égocentristes, ils sont autant de baumes au coeur. Ils réconcilient avec une humanité tristement à la dérive et je tiens à remercier les Editions Albin Michel pour cet envoi qui ne saurait mieux tomber.

Nous retrouvons dans cet abri de fortune Capucine et Adrien (mais ce volume peut être lui tout à fait indifféremment de¨" La toute reine", qui le précède).

C'est au coeur des Vosges, au milieu de nulle part, que le couple crée ce lieu destiné à se ressourcer après ces accidents de la vie qui n'épargnent personne. Un lieu pour réapprendre la beauté de l'existence,  de l'espérance,se découvrir et découvrir aussi les autres. Sans peur, sans jugement. Nul besoin de raconter son histoire, ni ce qui a amené les trois autres personnages du livre aux Censes Perdues (notez bien le nom du lieu !).

Rémy , Clémence et Karine n'ont à priori en effet rien en commun. Chacun trimballle ses plaies, ses secrets, ses silences. A priori seulement car ils vont apprendre à se connaître sous le regard bienveilant de leurs hôtes mais aussi de Jean, le si attachant Jean. Des âmes en peine sont-elles destinées à se rencontrer ?

J'ai tout aimé dans ce roman, comme dan tous les autres de cette autrice : la douceur, la foi en l'humain, l'empathie qui nous manque tant, l'amour des autres, l'approche de la Nature que nous avons tendance à occulter

 Agnès aborde ici des thèmes profonds tels que le burn out, le syncrome post traumtatique, la violence faite aux femmes, la liberté, la nécessité de se rapprocher de la Nature à laquelle nous devons tant, et par dessus tout l'Amour avec une majuscule.

Un abri de fortune a été pour moi un cocon nécessaire, une respiration, un apaisement. Je recommance cette lecture à toutes et tous et je remercie une fois encore l'autrice et les Editions Albin Michel

"La poésie adoucit tout. Elle soigne et elle répare, poursuit Rémy. Tu ne voudrais pas essayer d’en écrire, pour raconter ton histoire ? Parfois, ce qu’on a à exprimer résonne dans d’autres cœurs et peut les apaiser aussi."

© Nath

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22 mars 2023

Un autre bleu que le tien - Marjorie Texier

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Un autre bleu que le tien
Marjorie Tixier
Editions POCKET - Janvier 2023

Trois femmes, aux âmes blessées se retrouvent dans un lieu propice à la renaissance. Il y a Rosanie, mutique depuis plus de vingt ans et mariée à Antonin qui l'a sauvée de la noyade. De là, est née une peur panique de l'eau et un traumatisme profond. Elle garde en elle un secret, celui qui l'a amenée à vouloir se suicider..


Et pourtant, un jour, elle va pousser la porte des Thermes de la ville où elle réside, dans les Pyrénées. C'est là qu'elle va faire la connaissance de Félice, privée de ses jambes et ici dans le but de s'adapter aux prothèses qui lui permettront d'appréhender une nouvelle vie.

Une amitié très forte et une belle complicité va se nouer entre elles.

Toutes deux vont faire la connaissance d'Estelle et de son enfant, Manan solo, elle aussi perdue.

Portées les unes par les autres, toutes trois vont cheminer vers la résilience et qui sait, la guérison (mais je veux pas tout divulgâcher )


Le bleu est au centre de cette histoire qui m'a profondément touchée. Bleu de l'eau , bleu du ciel, bleus à l'âme. L'eau joue aussi un rôle important. Au-delà de la métaphore amniotique originelle, elle est réparation, et renaissance.

J'ai beaucoup aimé cette lecture, effectuée dans le cadre de ma participation au Grand Prix des Lecteurs Pocket. J'ai adoré la plume de l'autrice, sensible, profonde et poétique. Par dessus-tout j'ai aimé ces trois femmes, que beaucoup de choses opposent à priori mais qui, unies, vont trouver la force d'accepter, d'aller de l'avant. Pour moi, toutes trois sont des héroînes du quotidien.

Abordant avec pudeur des thèmes comme le suicide, le handicap, la résilience, Marjorie Texier offre au lecteur un roman d'une grande beauté , d'une immense force , d'une indéniable douceur et d'une incroyable lumière, à laquelle vient s'associer celle des majesteuses Pyrénées.

"Chacun souffre à sa manière, chacun se bat, mais dans tous les cas, partout où l'on jette un regard, c'est du bleu que l'on voit. au corps, à l'âme. l'un ne va pas sans l'autre. Et qu'importe que ce soit un autre bleu que le tien, c'est toujours une blessure profonde et définitive qui éloigne ou réunit sans se justifier."


© Nath

20 mars 2023

Le lundi c'est poésie/littérature - Eugène Guillevic

 

 

L’océan lui aussi écrit

 

L’océan lui aussi

Écrit et ne cesse d’écrire.

A chaque marée

Il écrit sur le sable.

Il écrit tous les jours,

Toujours la même chose.

C’est sans doute

Ce qu’il doit se dire,

La même chose et pourtant

Qui s’en fatigue ?

Ne le jalouse pas :

C’est l’océan

Eugène Guillevic

 

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04 mars 2023

L'automne est la dernière saison - Nasim Marashi

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L'automne est la dernière saison
Nasim Marashi
Editions Zulma - Janvier 2023 (traduction du persan par Christophe Balaÿ)


A l'heure où les femmes Iraniennes sont à l'origine d'une révolution, Nasim Marashi publie un premier roman éblouissant dont l'action se situe  dans ce pays. Néanmoins, n'allez pas chercher là un vent de révolte. En effet, ce livre ayant été initialement édité en Iran, je vous laisse imaginer le rôle de la censure et la difficulté , voire l'impossibilité à décrire la réalité.

Donnant la parole à trois d'entre elles, Leyla, Shabaneh et Rodja , qui s'exprimant à tour de rôle vont faire part de leurs choix, leurs chemins de vie, elles qui sont amies depuis l'Université.

L'autrice s'est attachée à ses trois destins de femmes . L'une,Rodja choisit de partir, espérant terminer son doctorat en France, il ne lui manque plus que le précieux sésame, à savoir le visa. Leyla décide de s'engager dans sa carrière de journaliste , au moment même où son époux part pour le Canada, ce qui sera à l'origine d'une profonde dépression. Quant à Shabaneh, elle est demandée en mariage par l'un de ses collègues mais hésite pour plusieurs raisons que l'on découvre à la lecture.

Le fil conducteur du roman est la liberté : celle de choisir.

J'ai aimé la narration chorale de cette histoire, ces portraits de femmes d'aujourd'hui dans un pays qui les prive de tout ce qui fait le ferment du roman.  Je m'attendais à une oeuvre un peu plus engagée, ce que je n'ai pas retrouvé. C'est  en écoutant par la suite les interviews de l'autrice que j'en ai compris les raisons.
Il n'en demeure pas moins un magnifique portrait de femmes , le temps d'une saison et quelques jours, , qui sera déterminant pour chacune d'entre elles.

"Moi, j'aurais voulu que nous ramassions les morceaux cassés ensemble, que tu essuises mes larmes du bout des doigts. J'aurais vouu être calme, pleine d'espoir. Préparer un délicieux repas pour un millier d'invités. Tout ça parce que tu m'avais annoncé ton départ, effacer mes cris et es pleurs..."

"La solitude, c'est très dur. Beaucoup plus dur qu'une vie sans rêves. On ne peut pas toujours vivre dans les nuages. On finit toujours par redescendre, peu à peu, et alors la solitude, c'est ce qu'il y a de pire."

© Nath

 

01 mars 2023

Le colonel ne dort pas - Emilienne Malfatto

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Le colonel ne dort pas
Emilienne Malfatto
Editons du Sous-Sol - Août 2022

Dans une ville grise, où l'on devine la guerre, les destructions, la torture et l'anéantissement, le Colonel effetue avec application sa tâche : faire avouer des hommes , quelle que soit la méthode employée. C'est le meilleur, il est même un spécialiste. Reconnu comme tel en ces temps de "Reconquête" dans ce pays inconnu, baigné de gris, où règne le désordre.

Alors que la tête de la statute du dictateur renversé gît dans la rue voisicine, le Colonel brise, mais ne doit surtout pas laisser mourir ses victimes, susceptilbles d'avouer, sait-on jamais.

Le Colonel ne dort pas, hanté chaque nuit par la vision des atrocités qu'il commet depuis des années, par ces "hommes poissons", incarnations des vies qu'il a brisées à tout jamais.

Pendant ce temps, tout se délite. 40 jours de pluie, 40 jours de déchéance, 40 jours de folie.

Trois hommes : le Général qui sombre dans la folie, jouant tout seul aux échecs dans sa forteresse, le Colonel qui ne dort plus , et l'Ordonnance qui cherche à se faire oublier, dans le seul but de survivre à cette horreur, s'accrochant aux lettres touchantes de sa mère, et pensant à ce que fut sa vie dans son village.

Ce très court livre monochrome est un huis-clos glaçant, au style épuré, brut. Il interroge ce qui peut conduire ces personnages, qui dans le fond, sont universels, à perdre toute notion d'humanité. Il faut noter qu' à aucun moment le terme "torture" n'est employé, remplacé par d'autres termes atroces, terribles.

Emilielle Malfato livre ici un réquisitoire contre la guerre, et tous les actes qui l'accompagnent. Magistral, indispensable, terrible . Du grand art pour un sujet qui ne l'est pas.

"Le colonel arrive un matin froid et ce jour-là il commence à pleuvoir. C’est cette époque de l’année où l’univers se fond en monochrome. Gris le ciel bas, gris les hommes, grise la Ville et les ruines, gris le grand fleuve à la course lente. Le colonel arrive un matin et semble émerger de la brume, il est lui-même si gris qu’on croirait un amas de particules décolorées, de cendres, comme s’il avait été enfanté par ce monde privé de soleil. On dirait un fantôme, pense le planton de garde en le voyant descendre de la jeep. Et l’ordonnance se met au garde-à-vous et se dit que le colonel ressemble à ces hommes qui n’ont plus de lumière au fond des yeux et qu’il croise parfois depuis qu’il est à la guerre. Seul son béret rouge rappelle que les couleurs n’ont pas disparu"


© Nath

 

 


27 février 2023

Le lundi c'est poésie - Rupi Kaur

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je sais que c'est dur

crois-moi

je sais que tu as l'impression 

que demain ne viendra jamais

et qu'aujourd'hui sera 

la journée la plus diffficile à traverser

mais je te jure que tu la traverseras 

la douleur passera

comme elle le fait toujours

si tu lui donnes du temps et 

la laisses 

être

la laisses

s'en aller

lenterment 

comme une promesse rompue

la laisses partir

Rupi Kaur (lait et miel, traduction de Sabine Rolland, éditions Pocket)

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20 février 2023

Le lundi c'est poésie/littérature - Mano Solo

 

 

Depuis quelques temps je le sens

Un son nouveau courir sous ma peau

Qui accompagne les fous battements de mon coeur

Sourdement sourdement ça cogne là-dedans

Et de loin en loin ça se rapproche une marée de triples croches

Qui martèlent les clous de ma nouvelle maison

Au rythme d'un tout qui m'invite à la passion

 

Et je taille ma route plus rien ne me dégoûte

Poussé par mon instinct je trace ma vie

A grands coups de fusain

 

Et l'écho me revient décalé

Du temps où je battais le pavé

Et chaque jour il devient plus fort

Dans chaque partie de mon corps

Ignorant les dérives bousculant les fatigues

Il pousse mon âme vers l'avant

Alors que sorties du tempo me poussent des ailes dans le dos

Sans limites chevauchant cette musique

Je me déroule la tripe

Le son du tambour est mon meilleur ami

Chaque jour il me ramène la vie

Il bouscule mon sommeil me promets monts et merveilles

Et donne au temps sa propre mesure

Cicatrisant toutes les blessures

 

©Mano Solo "Je taille ma route"

 

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19 février 2023

Noire - Sarah Plateau (d'après Tania de Montaigne)

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Noire
Emilie Plateau
Editions Dargaud, 2019
(D'après Tania de Montaigne)
Roman graphique

Je découvre aujourd'hui l'histoire de Claudette Colvin, née en 1939 en Alabama.

Les lois Jim Crow ont institué la ségrégation. Noirs et blancs ne peuvent se côtoyer, les mariages mixtes sont interdits.Le tristement célèbre et abominable Kuklusklan connaît ses ignobles heures de gloire....

Violée par des policiers blancs et emprisonnée alors qu'elle n'a que 15 ans, alors qu'elle a refusé de céder sa place dans un bus,  elle décidera de se battre,aux côtés de personnalités telles que Rosa Parks, Fred Gray, MLK, Jo Ann Gibson Robinson et bien d'autres afin de faire tomber les murs du coloredonly et de l'impunité blanche.

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D'elle, l'histoire ne retiendra rien. Sans doute parce qu'elle était issue d'une milieu pauvre, parce qu'elle était jeune, n'avait pas l'assurance de celles qui lui ont succédé. Sans doute aussi parce qu'enceinte très jeune d'un homme blanc marié ayant bien entendu fui ses responsabilités, elle a été jugée "instable psychologiquement", pas aussi "vertueuse et distinguée" que Rosa.

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Noire est l'hsitoire de Claudette Colvin, oubliée de tous. C'est aussi celle de toutes les femmes qui se sont levées pour dire non à une injustice liée à la couleur de peau et à la suprématie paternaliste.
On a aujourd'hui gommé son nom , et Emilie Plateau lui rend ici un magnifique hommage.

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J'ai été séduite par la forme graphique du récit, et bouleversée par le destin de cette jeune fille , l'une des premières à avoir dit non. Les illustrations sont épurées, donnant ainsi à Noire toute la dimension qu'elle mérite. C'est un roman graphique que je vous conseille, de 7 à.... ans !

© Nath

13 février 2023

Le lundi, c'est poésie / littérature - Victor Hugo

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"Messieurs des centres, messieurs des extrémités, le gros du peuple souffre ! Que vous l'appeliez république ou que vous l'appeliez monarchie, le peuple souffre. Ceci est un fait. Le peuple a faim, le peuple a froid. La misère le pousse au crime ou au vice, selon le sexe. Ayez pitié du peuple, à qui le bagne prend ses fils, et le lupanar ses filles. Vous avez trop de forçats, vous avez trop de prostituées. Que prouvent ces deux ulcères ! Que le corps social a un vice dans le sang. Vous voilà réunis en consultation au chevet du malade ; occupez-vous de la maladie" .

Victor Hugo - Claude Gueux

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09 février 2023

Le bureau d'éclaircissement des destins - Gaêlle Nohant

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Le bureau d'éclaircissement des destins
Gaêlle Nohant
Editions Grasset - Janvier 2023
Rentrée littéraire

Gaëlle Nohant développe dans ce roman bouleversant un thème qu'elle avait approché lors de la parution de La légende du Dormeur éveillé, consacré à Robert Desnos : la deuxième guerre mondiale, la déportation, l'horreur des camps de concentration, les familles déchirées. Elle le fait sous un angle inédit, faisant intervenir des personnnages auxquels on ne peut que s'attacher...

Irène, française expatriée en Allemagne depuis longtemps, travaille pour l'International Tracing Service, qui est le plus grand centre de documentation et d'archives sur les persécutions perpétrées par les nazis.

Passionnnée par sa tâche, elle a décidé de restituer autant que possible des objets détenus par le Centre depuis la libération des camps. Qu'il s'agisse d'un mystérieux médaillon, d'un Pierrot de tissu, de lettres, de bribes de messages, d'un mouchoir brodé, elle n'a qu'une obsession ; renouer les fils coupés par la cruauté humaine et rendre ces maigres héritages, pans d'Histoire, aux descendants .

"Ce sont des objets sans valeur marchande. les biens monnayables étaient dérobés sans retour. Ce sont les restes méprisés par les assassins, dont la modestie trahit celle de leurs propriétaires".

Pour cela, il faut fouiller, enquêter, ne pas désespérer, suivre un maigre fil d'Ariane quand il existe encore.

Ainsi se croisent des destins, des histoires, des souffrances, des drames, des leçons de courage et de solidarité, et de manière plus élargie, d'Humanité et d'empathie, le triste constat que l'homme est un loup pour l'homme, que la ségrégation existe malheureusement toujours , sous des aspects différents (racisme, ostracisme, homophobie, etc..)

J'ai eu le coeur noué au fil des pages en découvrant l'immensité de la barbarie que je pensais pourtant connaître. Le travail de documentation de l'autrice, est comme toujours, impressionnant et Gaëlle nous livre là un récit marquant, porté par une écriture percutante mais lumineuse , au-delà de la noirceur mortifère du sujet abordé. Car il y a de l'amour, de la reconnaissance, de l'espoir.

Il m'apparaît plus essentiel que jamais d'entretenir le fameux "devoir de mémoire", de faire de la Fraternité une réelle et absolue valeur. Cet ouvrage est à la fois historique, romanesque, terrible de cette abomination qu'il ne faut pas occulter, féminniste et universel.

Je remercie Gaëlle et les Editions Grasset qui m'ont permis de le découvrir en avant-première, même s'il m' a fallu beaucoup de temps pour faire face à mes propres émotions.

"Peut-on rester humain, dans un cadre où l' inhumanité est la règle ?"

© Nath