Joséphine, négresse de presque cent ans - Ouragan - Laurent Gaudé
Ouragan
Laurent GAUDE
Editions Acte Sud – Août 2010 –
Editions J’ai Lu – Août 2013 –
Cher Laurent,
Vous permettrez, j’ose l’espérer, que je m’empare de cette familiarité qui veut que je vous appelle par votre prénom.
Nous nous sommes croisés, il y a peu, au Forum Fnac Livres… Moi qui espérais tant vous rencontrer, voici que mon vœu fut exaucé.
Vous m'avez alors dédicacé « Ouragan » et vous m’avez dit que votre personnage préféré, Joséphine (qui s’avère, je vous l’ai confié, être mon second prénom) était au cœur de ce roman-là.
Voilà, je viens de refermer cet « Ouragan », il m’a emportée, loin, bien loin.
Il m’a emportée sur les terres de Louisiane, pays des bayous. Il m’a transportée au cœur de la Nouvelle-Orléans, ville ravagée par un cataclysme, dont on peut se demander s’il est une volonté divine (d’ailleurs, votre pasteur est , dans sa folie, totalement effrayant).
Il m’a soulevée dans un tourbillon d’émotions, guidée par Joséphine, « négresse depuis presque cent ans », et la Voix, la Mémoire, le symbole de la Lutte, celle qui transcende la tragédie et sa violence. La violence de ce peuple opprimé, de ces noirs, ces nègres, qui n’ont pas fui, ces voix muettes, ces oubliés de tous.
« Elle regarde les pères de famille charger les voitures jusqu'à ras bord, prendre des réserves d'essence, elle regarde les mères qui ont des visages tendus et redemandent pour la cinquième fois aux enfants s'ils ont bien rempli leur gourde, elle regarde tout cela et elle sait qu'elle n'en fait pas partie. »
Il m’a forcément emmenée à m’interroger sur le sens de la Liberté : que peut-elle signifier quand tous les repères s’effritent (je pense là à ces prisonniers que voici libres... Oui mais libres de quoi ? A quoi sert leur liberté ?)
Et puis, cher Laurent, que dire de toutes ces âmes que vous faites naître sous votre plume ?
Vous développez une telle empathie envers vos personnages !
J’ai entendu le blues, le gospel, la plainte de l’âme noire, de tout un peuple… Le chant de ces femmes, Joséphine, et Rose…
J’ai entendu le vent cingler, souffler, hurler sa colère.
J’ai entendu Joséphine et sa voix combative.
J’ai frémi dans l’œil du cyclone.
Votre écriture, cher Laurent, est sans égal. Elle est aussi forte que flamboyante. Elle est grandiose et sublime.
A bientôt, cher Laurent, à bientôt pour d’autres voyages, d’autres mots, d’autres ailleurs.
Nathalie
« Il est peut-être temps de laisser le monde se libérer des hommes. Que la terre ferme les crevasses dont on l'a perforée, qu'elle aspire à elle le pétrole, le gaz qu'on pompe chaque jour dans ses flancs, que les jacinthes envahissent les rues de la Nouvelle-Orléans et les alligators les rez-de-chaussée des maisons. Après-tout. Les hommes ne sont rien mais l'ont oublié depuis si longtemps que chaque soubresaut de la terre leur semble être un cataclysme »
La vieille Joséphine, la vôtre, celle qui vous regarde depuis votre bureau…