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Né d’aucune femme

Franck BOUYSSE

Editions La Manufacture de Livres – Janvier 2019

 

Je voudrais vous parler de Rose, vous dire ce destin broyé au sortir de l’enfance par un père qui la vend à un maître de forge abominablement monstrueux.

Je voudrais vous dire son calvaire, infini,  inimaginable.

Je voudrais vous dire aussi sa lutte, elle aussi infinie.

Je voudrais vous faire entendre sa voix,  sa voix qui s’élève au fil des pages, au fil des mots qu’elle couche, jour après jour, année après année, sur des cahiers.  Ses mots à elle , de guingois.   Une langue âpre et salvatrice,  qui jaillit de ses entrailles, du plus profond de sa douleur.

« Je comprends rien à ce qui se passe. J’écris.Tout ce que je croyais qui était pas et qui était en vrai. C’était là, ça a toujours été là, ce que j’ai recouvert avec le malheur qui a suivi, et aussi l’idée de la mort.  Le grand tourbillon m’a enfin rattrapée. Je le laisse m’envelopper. Une fois dedans, tout change. »

Je voudrais vous dire tous les autres,  les égarés, les abjects, les hideux, les déchirés.   Je voudrais que vous faire percevoir les bruits de la terre, les hennissements des chevaux,  les cris de douleur.   Je voudrais vous décrire la poupée de Rose, les sabots du grand-père, les yeux d’Edmond…

Je voudrais vous dire mes larmes,  mon souffle court, ma gorge nouée, mon ventre douloureux, et cette apnée lumineuse qui fut la mienne tout au long de cette lecture sismique.

Je voudrais vous dire la merveilleuse écriture de Franck Bouysse,  captivante,  hypnotique, noire et solaire,  merveilleusement précise, poétique et  incroyablement puissante.   Né d’aucune femme, est selon moi, des étages, et des étages au-dessus de Glaise, qui  atteignait déjà la perfection.   J’ai parfois lu que l’écriture de Franck Bouysse se rapprochait de celle de Steinbeck.  Certes, nous sommes toujours dans le roman social, noir, rural. Mais l’écriture de Franck , c’est du Bouysse.  Avec un B comme Bonheur.

Enormissime, gigantesquissime claque littéraire,  coup de foudre absolu pour cette pépite, cette histoire qui est aussi celle d’une Résistance par les mots.  Parce que je pense à toutes les Rose, partout dans le Monde, qui  subissent ce mal (mâle) absolu que l’on retrouve souvent dans l’écriture de cet  auteur si talentueux,  je vous invite vivement, et plus encore à courir chez votre libraire favori, dans votre médiathèque, votre bibliothèque.  Précipitez-vous, lisez-le !

J’ai fait cette lecture dans le cadre de ma participation au Prix Orange du Livre, pour lequel j’ai la grande chance d’avoir été sélectionnée en tant que jurée.

« On s’est serrés l’un contre l’autre, comme si on  voulait broyer nos deux cœurs pour qu’il n’en reste  qu’un seul et on le sait même pas quand ça arrive, on se pose pas la question tellement c’est l’évidence »

© Nath