Ils sont moi, je suis eux
Ils sont moi, je suis eux
Alma Brami
Editions Mercure de France - Août 2023
Rentrée littéraire
Il y a ces romans qui vous marquent à vif et vous laissent, du moins momentanément, dans l'incapacité absolue d'en parler avec le nécessaire recul.
"Ils sont moi, je suis eux," d'Alma Brami, paru aux Editions Mercure de France, est de ceux-là.
L'autrice met en avant ses sujets de prédilection, à savoir la famille et l'emprise. Car d' eux ils sera question. Enfin, c'est ce que j'en ai ressenti.
Nous voici cette fois en présence d'une mère et de ses deux enfants. Une maman solo, comme il en existe beaucoup.
Ce livre se présente sous la forme d'un monologue constitué de phrases courtes, incisives, des mots à bout de souffle.
La mère, sans identité propre autre que Madame Poi-Poi, est totalement dévouée à ses enfants. Veut le mieux pour eux. Les aime profondément. Vit et respire par et pour eux, uniquement. S'oublie, se néglige, seuls existent les corps de son fils et de sa fille. Elle en admire la moindre parcelle, pendant que le sien se dégrade, qu'elle est partagée entre amour fou, épuisement, haine parfois, culpabilité permanente. Ne pas faire assez bien, pas suffisamment , ne pas les protéger assez du monde extérieur, les en couper, finalement les amputer de leurs propres vies.
Elle est usée. Par la solitude, par cet amour phagocyte, par une peur phobique de l'extérieur, par les nuits sans sommeil, les demandes incessantes, par l'absence de soutien, car personne ne comprend. Seul son alter ego, Bukowski, veille, et voit cette relation fusionnelle glisser doucement vers ce que l'on appelle la folie. Peut-on évoquer la maltraitance ? Peut-être, sans doute même, avec nos regards lucides. Mais il ne faut pas oublier que tout comportement déviant a ses causes profondes .
Pour tout vous avouer, j'ai tout autant détesté Sonia (dont on apprend le prénom dans les dernières pages), que j'ai éprouvé pour elle une immense compassion. Comment transmettre ce que l'on n'a pas reçu et comment éviter de projeter nos propres failles, nos propres peurs ?
Alors qu'elle perd pied, la plume devient haletante,apnéique. La porte est close. Comme le reste. Terreur grandissante, oppression maximale jusqu'à la dernière page.
Alma Brami a frappé très très fort, et ce texte m'a bouleversée. En tant que mère, en tant que fille aussi.
Je remercie Alma et les Editions Mercure de France grâce à qui j'ai pu lire Ils sont moi, je suis eux, en avant première.
"Faire le deuil de sa santé. Faire le deuil de qui on se rappelle avoir été, faire le deuil de ce qu'on ne sera pas, faire le deuill de son enfance..."
© Nath