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Le Boudoir de Nath - Blog littéraire et culturel -
10 juillet 2016

Un immense coup de coeur - Je vous écris dans le noir - Jean-Luc Seigle .

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Je vous écris dans le noir

Jean-Luc SEIGLE

Editions Flammarion – 2015 -

Editions J’ai Lu – 2016 –

 

"Je vous écris dans le noir. De l'obscurité dans laquelle mon crime m'avait jetée, bien sûr, mais aussi de celle qui terrorise les enfants, remplie de monstres et de fantômes. C'était la lettre d'une enfant qui demande pardon pour ses bêtises et pour le mal qu'elle a fait sans le vouloir. Trois tentatives de suicide en quatre ans ! Cela n'a rien changé pour mes juges. D'un côté on me laissait la vie sauve, de l'autre on m'insultait d'être restée en vie."

En 1953, Pauline Dubuisson est condamnée à la prison à perpétuité pour le meurtre de son fiancé, Félix Bailly. Elle avait 21 ans lors des faits.

Le ministère public requiert , pour la seule et unique fois envers une femme, la peine capitale. 
Jetée à la vindicte populaire, considérée comme un monstre assoiffé de sang et de sexe, elle renonce à des études de médecine, et au brillant avenir qui l'attendait, si seulement...

"Pauline devient la seule femme contre laquelle le ministère public, c'est-à-dire la société française, requiert la peine de mort pour un crime passionnel sans que cela n'émeuve personne à l'époque, pas même Simone de Beauvoir, qui pourtant aurait trouvé là un bel exemple de vie de femme saccagée par les hommes."

Libérée pour "bonne conduite" , elle n'en reste pas moins captive de son passé et des hommes qui l'ont broyée.

Son père tout d'abord, pétainiste, collaborateur en fonction de ses besoins domestiques, n'hésitant pas à jeter sa propre fille , adolescente, dans les bras d'un médecin allemand durant la guerre.

Des épurateurs de la dernière heure, ratrapés par une conscience soudainement patriotique, hurlant avec les loups, qui, pour lui faire expier cette liaison , la violeront, la tondront en place publique, lui feront subir les pires sévices...

Un fiancé, un amour passionné, rencontré sur les bancs de la faculté de médecine, qui n'hésitera pas à la quitter brutalement, en apprenant ce triste passé.  C'est Félix Bailly.

Des juges, qui oublient leurs propres égarements en temps de guerre, et qui vont jouer d'effets de manches , la clouant au pilori lors d'une mascarade de procès.

Un réalisateur qui va prendre des libertés avec la vérité ( ce qui est paradoxal, c'est que c'est là le titre du film), et contraindre Pauline à l'exil. Elle deviendra Andrée, et finira sa vie à Essaouira.

"Personne ne peut imaginer ce que j'ai ressenti lorsque je me suis vue morte sur un écran en gros plan, parce que c'était moi que je voyais dans la peau de Brigitte Bardot. J'ai été naïve de croire qu'à la différence de la Justice, le cinéma tiendrait compte de moi. Ce fut pire encore. Le cinéaste avait réalisé le rêve de mes juges: me tuer. Au bout du compte, neuf années de prison m'avaient moins fait souffrir qu'une heure et demie dans l'obscurité d'une salle de cinéma.
Sans ce film, je n'aurais jamais quitté la France."

Jean, le dernier homme de sa vie, qui va la demander en mariage, et la rejeter dès qu'il apprendra lui aussi ce passé , parce qu'elle ne voulait pas l'épouser sur un mensonge.

Jean-Luc Seigle prête sa plume à Pauline, dans une confession bouleversante, au long de trois cahiers sur lesquels elle dépose pour Jean, le soir même de ce qu'elle pense être un nouveau départ, Sa vérité, celle qu'elle n'a pas osé dire... Ces cahiers aujourd'hui disparus  ont d'ailleurs réellement existé, et c'est en imaginant ce qu'ils contenaient,  que l'auteur exprime si bien , à travers ce roman (ce n'est pas à une biographie) , ce qu'à pu ressentir celle qui les a écrits.

"Si je ne suis pas aimée, je suis comme morte. Comme. Ce sont les enfants qui disent ça quand ils jouent. C'est être sans vraiment être".

Ce "monstre", cette "mante religieuse", apparaît dans toute sa fragilité de femme brisée, anéantie par une histoire familiale marquée par les deuils, la guerre, l'absence, le mépris.
Le roman est rédigé à la première personne du singulier, lui conférant ainsi une profonde humanité et une indéniable proximité. On ne peut dès lors que ressentir une immense empathie envers Pauline, au destin foudroyé.

Il en ressort un magnifique portrait, bouleversant et poignant.

Il est impossible de ressortir totalement indemne de cette lecture, j'ai pour ma part été incapable de rédiger immédiatement une chronique, car profondément chamboulée.

Un livre magistral, une réhabilitation littéraire, un énorme coup de coeur , une pépite à ne pas manquer !

"Tranquille enfin. Penser à aimer encore. Ne plus chercher à être aimée.".

 

"Je vous écris dans le noir" a récemment reçu le Prix des Lectrices Elle.

 

 

 

 

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(Pauline Dubuisson lors de son procès)

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Commentaires
B
Très émouvant !<br /> <br /> Bravo pour ce beau billet qui parle si bien du livre ...
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