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Mistral perdu ou les événements

Isabelle MONNIN

Editions JC Lattès – Septembre 2017 –

Rentrée littéraire 2017

 

Il était une fois un soir d’octobre dans une librairie.  Il était une fois une rencontre avec la nostalgie,  le temps qui passe et emporte avec lui les rires des enfants, les mistrals gagnants et  une soeur perdue. Un lien défait. Il était une fois ce drôle de pressentiment, celui qu’un livre t’attend, dans lequel tu vas  plonger à cœur ouvert. Tu remonteras, tu le sais, un peu essoufflée de cette apnée.  Il était une fois Isabelle Monnin.  Et aussi Erwan Larher (mais lui, ce sera  pour une chronique suivante).

 "Mistral perdu ou les événements"  est le roman d’une génération.  Une génération égarée dans le labyrinthe d’illusions dédalesques,  chimériques.   Une quarantaine d’années vues tout d’abord par deux paires d’yeux, ceux d’Isabelle Monnin et de sa sœur.  « Les filles ».

« Nous sommes deux.  Nous sommes les filles… Et ça suffit pour exister », puis soudain par les yeux seuls de la narratrice.  

Ce roman est une madeleine de Proust, que ‘’on savoure avec tendresse, avec  la somme de toutes ces choses qui ont bercé une adolescence,  ce besoin d’appartenir à un groupe, d’élargir ce « Nous » à une entité communautaire,  celle des poings levés, des revendications , de la main jaune de « Touche pas à mon pote » épinglée sur le col du perfecto, celle qui n’oublie pas Malik Oussekine. C’est la génération Renaud,  santiags et bandana rouge.   C’est ma génération.

C’est également et peut-être avant tout une formidable déclaration d’amour à une sœur adorée et disparue.

« Nous est morte, vivre n’existe plus et le chagrin est une maladie longue ».

Comment survivre à l’amputation de cette partie de soi, ou plutôt comment continuer à la faire vivre, à faire en sorte que ce « Nous » demeure debout, au-delà de l’atroce cicatrice ?

Isabelle Monnin fait le parallèle, et elle le fait avec un talent incroyable, une fragilité qui n’a d’égal que sa force, entre ses propres  deuils et celui de ce monde qui sombre inéluctablement.

« Je nous vois comme un troupeau aveuglé, contraint de marcher sans guide ni but, au bord d’un gouffre que personne n’a cartographié. Il faudrait s’arrêter à l’abreuvoir, profiter d’un repos sous les arbres, attendre les silences, ça s’appellerait réfléchir. »

J’ai été profondément touchée, et c’est un euphémisme, par ce roman à l’écriture aussi simple que percutante,  douce et addictive,  une écriture tout en failles et fragilités.   Ces brisures, ce deuil du « Nous », je  les connais. Et qu’il est bon de les retrouver, de se retrouver ainsi , dans les pages d’un livre aux multiples visages, reflet d’années écoulées, de souvenirs gravés, d’espoirs déçus , de peines enfouies, de bonheurs à venir . 

« Avons-nous gagné quelque chose de ce que nous avons perdu ? »

 C’est un récit magnifique, sur la sororité, sur l’urgence de savoir dire « je t’aime », sur l’absence, sur la présence, sur le souvenir sur ce  qui reste quand plus rien ne reste, sur ces voix , ces rires qui demeurent comme des caresses.   C’est, vous l’aurez compris, un énorme coup de cœur pour moi !

© Nath