Le joueur d'échecs - Stefan Zweig

Le joueur d'échecs
Stefan Zweig
(paru à tire posthume en 1943)
Titre original : Schachnovelle 

- Nouvelle -

J'aime bien profiter de la douceur estivale (et des vacances) pour relire quelques oeuvres dites "classiques". Mon dernier choix s'est porté sur un auteur que j'apprécie énormément, l'immense Stefan Zweig et sa nouvelle, "Le joueur d'échecs", écrite en 1941 et publiée à titre posthume.

Lors d'un voyage sur un paquebot, deux personnages, passionnés par les échecs font se faire face.

Deux hommes que tout sépare. Si Czentowicz, le grand champion en titre, est arrogant et inculte, Monsieur B. , aristocrate autrichien, est courtois et intelligent.

Comme dans un miroir, ces deux personnalités diamétralement différentes vont s'affronter autour d'un échiquier,  révélant divers angles de lecture de la nouvelle;

Il y a le champion, : alors orphelin et misérable, il se retrouve par le plus pur des hasards, face à un échiquier. Autodictate et incapable d'abstraction, il ne peut imaginer une partie sans que celle-ci ne soit concrète. Sa carrière est fulgurante, en dépit d'une inculture qui frôle l'illettrisme, ce  qui attire les railleries.

Face à lui, un certain monsieur B, et son propre rapport aux échecs, ce jeu qui lui a sauvé la vie alors qu'il était retenu prisonnier par la Gestapo et subissait la torture psychologique, d'une façon particulièrement "raffinée", à savoir l'isolement absolu, le néant, la perte de tout repère spatio-temporel, "un noir océan de silence", le but étant de le pousser à l'anéantissement de l'aptitude à réfléchir et à dire non . " ...Car, c'est bien connu, "rien sur terre n'oppresse autant l'âme humaine que le néant".
C'est alors qu'un livre, dédié aux échecs, va  briser son isolement , grâce aux parties l'opposant à un adversaire imagnaire, jusqu'à la schizophrénie sans doute.

La nouvelle de Zweig est courte, haletante : deux personnalités, deux histoires, deux conceptions du jeu (et de l'existence). Qui va l'emporter ?

L'auteur décrit avec justesse les tourments de l'âme humaine, le pouvoir de fascination du jeu d'échecs, dans lequel la stratégie et la tactique occupent une grande place. On ne peut qu'y voir un parallèle avec la vie et le destin tragique de Zweig, perdant pied peu à peu, jusqu'à l'acte ultime qui sera le sien peu de temps après avoir mis le point final à cette nouvelle;

Etant moi-même une inconditionnelle de cet auteur (et une piètre joueuse d'échecs - trop stratégique pour moi, je l'avoue humblement), je ne peux que vous recommander vivement cette lecture !

"Vouloir jouer aux échecs contre soi-même, est donc aussi paradoxal que de vouloir marcher sur son ombre"

© Nath