Fenêtre sur mer - Atelier Bric A Book 237 -
© Leiloona Bric à Book
10 juillet 1990
Chers parents ,
Je suis bien arrivée à la colonie de vacances. Je vous envoie cette carte postale pour vous montrer ce que je vois de la chambre, où je dors avec mes copines. On entend même parfois, quand le vent de la mer souffle vers nous, les sirènes des bateaux.. Dans la journée, les cigales chantent, c’est la première fois que j’entends ça, c’est bizarre, ça fait du bruit , mais j’aime bien.
Il fait très beau, et on ira se baigner cet après-midi. L’eau est bleue comme tes yeux, Maman , et elle est chaude comme tes bras, Papa.
Vous me manquez bien sûr, et mon chien me manque lui aussi. Panou et Manou aussi me manquent (plus que le chien). Les autres ont ri de moi quand je leur ai dit que Panou et Manou c’est mes grands-parents. J’espère qu’on pourra venir ici tous ensemble en vacances.
J’ai fabriqué en secret un calendrier, et je barre chaque soir le jour qui vient de passer. Comme ça , je sais quand on va se retrouver. Je sais que c’est dans 17 jours maintenant.
Je vais me faire des tas de copains, ne vous inquiétez pas pour moi. Je vais tout manger, même si c’est pas bon, ne vous faites pas de souci.
Je pense à vous tout le temps, surtout le soir quand je m’endors.
Mimi (avec un cœur dessiné sous le dernier « i »)
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10 juillet 2016
Mon tendre Amour,
De ma chambre d’hôtel je t’écris. Je noie mes pensées dans cette mer qui me tend les bras, et dans ce ciel immense et bleu comme tes yeux (et comme ceux de ma mère aussi). Je t’envoie avec ce mail la photo prise il y a quelques minutes… Ahahah me diras-tu ! (smiley qui sourit là).
Il fait si beau ! Le temps semble suspendu aux rayons du soleil qui me chatouille le nez, par la fenêtre grande ouverte.
Je suis submergée par les émotions, tu t’en doutes.
Il a fallu que mon père retrouve cette vieille carte postale, il y a trois mois, dans cette vieille boîte à chaussures (très moche la boîte d’ailleurs, décorée de bric et de broc), pour que les souvenirs reviennent au galop. Ma toute première colo de vacances, loin de ma famille.. Qu’est –ce que j’ai pu pleurer !! Que de larmes versées tous les soirs, en regardant le ciel , en espérant une étoile filante qui réaliserait mon vœu… Que mes parents viennent me chercher !
Une autre étoile est venue… Celle qui éclairait ton regard . Tu avais 10 ans, moi 8…. Un sourire ravageur déjà, des yeux bleus comme cette mer qui me sourit là, maintenant. Te souviens-tu de nos premiers mots, de ta main, qui délicatement, a essuyé mes larmes ? De ta main qui a ensuite pris la mienne, pour ne plus jamais la lâcher ?
Aujourd’hui, je suis là, mon Amour, et je t’attends. Ce retour à nos sources était décidément une très belle et douce idée, tu sais.
Les cigales chantent, tout comme il y a… quelques années…
On entend toujours les sirènes des bateaux, par vent marin.
L’épicerie où nous allions acheter les cartes postales a fermé, c’est une supérette qui a pris sa place. La ville a grandi, et elle s’étend jusqu’à la Colline aux Fées, qui , tu le devines, n’a donc plus rien de magique à première vue (mais nous , on sait bien ce qu’il en est !).
Un village de vacances a poussé sur les terres de notre premier baiser, un baiser d’enfants amoureux, qui s’étaient promis de décrocher les étoiles.
Demain, je descendrai par le sentier des contrebandiers (tu te souviens ?), j’irai t’attendre sur le Port… Quand la sirène du bateau chantera ton arrivée, je sentirai, comme toujours, mes mains devenir moites, ma gorge se nouer, mes yeux s’illuminer, mon cœur battre plus fort , et puis ces papillons battre des ailes au creux de mon ventre, qui porte la petite graine qui nous continuera.
A demain, mon Amour, je t’attends …
Ta Mimi (avec un cœur sous le dernier « i »)